Hideo Kojima affole la toile et les médias avec son nouveau jeu PS4 "Death Stranding" noté 10/10 et déjà considéré comme le "jeu de l'année 2019" ! Un blockbuster atypique focalisé sur les péripéties d'un "livreur" obstiné plongé dans un monde post-apocalyptique. Conçu par le "père" de "Metal Gear Solid" est-il pour autant aussi extraordinaire qu'on le prétend ?
Commençons par livrer le pitch. Le décor est celui d'un monde américain post-apocalyptique. Un événement dévastateur a pratiquement éradiqué l'humanité. Les rares survivants ont trouvé refuge dans des galeries où l'on découvre le héros : Sam Porter Bridges (sous les traits de l'acteur Norman Reedus : "Daryl Dixon" dans la série TV "The Walking Dead"). Lequel a pour mission de porter - ce qu'il va faire en extérieur avec obstination des heures durant - vivres et divers objets aux survivants éparpillés de loin en loin sous terre. Parcours semé d'embuches, car en plus des accidents de terrain, Sam doit affronter pour progresser nombre de créatures "spectrales" qui rappellent celles du film "Final Fantasy : Les Créatures de l'esprit" (2001). Mais aussi composer avec la pluie qui provoque - ce qu'on découvre d'entrée avec le personnage de Fragile campée par Léa Seydoux ("la vie d'Adèle") - un vieillissement accéléré des zones du corps au contact de l'eau. Pour parfaire le tableau, le sol est contaminé par une sorte de marée noire... Nous n'en révélerons pas davantage. Pour autant, malgré un background "mature" PEGI 18, le soft reste relativement dénué de violence. Si bien que les amateurs de tirs à la première personne et d'action frénétique risquent vite de s'ennuyer. Car, autant le savoir, ici c'est l'émotion et l'entraide qui priment. Techniquement, notre version PlayStation4 (non Pro) offrait déjà de somptueux graphismes en 1080p à 30 images/seconde. Avec une direction artistique parfaitement maîtrisée qui rappelle celle des dernières exclusivités PS4 : "Detroit: Become Human" et "Uncharted : The Lost Legacy". Ces "hits" qui ont récemment redéfini nos références techniques et artistiques. Reste que "Death Stranding" est un jeu inclassable. Un OVNI vidéo-ludique qui se dévoile progressivement au fil de ses chapitres et des dizaines d'heures qu'il faut leur consacrer pour en venir à bout. De fait, le contenu est des plus "copieux" et le gameplay subtil et audacieux. Bien soutenu par le jeu des comédiens en "motions capture". Les cinématiques, elles, sont rapidement envoûtantes et la limite entre jeu vidéo et 7e art est ténue tant la finesse des visages et le réalisme des expressions faciales, des cheveux et poils de barbe sont saisissants. Comme toujours, la version "PS4 Pro" est encore un cran au dessus avec son affichage en 4K. Mais même, avec notre modeste PS4 (de base), le travail d'Hideo Kojima et de Sony Santa Monica vaut d'être salué. Revenons au gameplay. Évoluer à pied ou à bord d'un véhicule dans un univers désertique peut vite déprimer de prime abord. Or que l'on se rassure : le concept tient la route ! Bien que tout le monde ne lui décernera pas 10/10 (les goûts et les couleurs), "Death Stranding" offre de quoi plaire à tous les types de joueurs, via ses niveaux de difficulté (plus ou moins marqués) et la montée en puissance de sa trame scénaristique, mais aussi de ses phases de combat et d'infiltration. L'aspect voyage initiatique est également cultivé avec l’utilisation du “réseau chiral” et l'exploration de ce qu'il reste des Etats-Unis. A cela s'ajoute l'enfant lié à notre héros qui a un rôle important puisqu'il détecte les "échoués", ces créatures fantomatiques qui rôdent dans ce gigantesque monde vidé de toute forme de "vie". Il est possible d'interagir avec lui, ce qui en fait une précieuse compagnie dans votre périple.
L'entraide comme let motiv
Paradoxal : alors que vous évoluez pratiquement seul dans un monde ravagé, l'originalité du jeu réside en bonne partie dans son multijoueur "asynchrone". Comprenez : d'autres joueurs sont connectés à votre partie, mais vous ne les voyez pas. Malgré tout, vous pouvez profiter, pour progresser, de leurs créations. Ici, un pont, là une échelle ou un panneau qui vous indique la bonne direction... Soulignons encore que les personnages principaux sont charismatiques et le rythme pensé pour vous inciter à poursuivre encore et encore votre chemin (compter une cinquantaine d'heures de jeu, ce qui est honorable aujourd'hui). Restent les vraies questions : est-ce qu'on se lasse de jouer un "livreur" avec pour mission d'apporter telle ou telle marchandise du point A au point B (ce qui rappelle certains missions de récupération de véhicules dans GTA) en respectant les délais et l'état de l'objet ? Est-ce qu'on se fatigue des phases d'escalade ou de "rééquilibrage" des charges qui obligent, de façon souvent assez physique, à marteler les gâchettes L2 et R2 de la manette ? Oui, si vous cherchez à enchaîner les phases d'action façon "Call of Duty". Maintenant, si vous prenez le jeu autrement et cherchez réellement à vous impliquer y compris dans le soin à apporter à l'enfant, nul doute que vous trouverez que, dans la durée, le soft gagne en intérêt, en humanité, et en profondeur. En conclusion, c'est seulement "à l'usage" que l'on peut savoir si "Death Stranding" est à son goût ou non. Certains l’apprécieront pour son originalité et sa réalisation technique et artistique de haut vol. D'autres seront déstabilisés par le sentiment de solitude qui va crescendo avec la progression du héros. Malgré tout, et de notre point de vue, le bilan est positif. L'univers qui nous est offert est captivant. La trame narrative fait honneur aux comédiens et, point important, le jeu de Hideo Kojima est localisé en VF avec d'excellents doublages ! Enfin, à considérer le nombre d'heures qu'il faut pour venir à bout du jeu, il y a vraiment de quoi apprécier l'expérience. Reste à savoir si vous vous sentez l'âme d'un "livreur", d'un "coursier" ?
Fait certain : "Death Stranding" ne laissera personne indifférent. Qu'il s’agisse de sa qualité visuelle (même sur PS4 non Pro), du jeu des comédiens, de l'univers atypique qui nous est présenté ou encore de la mise en scène et des "échoués"... tout est parfaitement maîtrisé ! Une belle démonstration technique et artistique.
Alors que beaucoup de jeux vidéo sont des déclinaisons et des copies de concepts à succès, Hideo Kojima casse les codes et nous surprend, quitte à nous choquer ! Ne cherchez pas un déluge d'action façon "Call of Duty". Ici, c'est l'émotion et la progression (sur toute la longueur du jeu) qui font le charme de cette aventure mémorable. Autre tour de force : le concept de multijoueur "asynchrone" qui invite à l'entraide et à la bienveillance. Bluffant !
Soignée dans ses moindre détails, la bande-son de "Death Stranding" bénéfice de bruitages ultra-immersifs, de comédiens portant à merveille le scénario et d'une localisation VF de qualité. Le tout contribue à faire de ce jeu l'un des plus ambitieux de ces dernières années.
Contrairement à d'autres production, c'est dans la durée que "Death Stranding" décroche notre adhésion. Surprenant et envoûtant, son gameplay et son univers atypique en font un OVNI. Compter sur plusieurs dizaines d'heures de jeu à un rythme astucieusement dosé.
A l'heure où de nombreux jeux vidéo se contentent d'appliquer une recette ayant déjà fait ses preuves, Hideo Kojima opte pour l'innovation et donc le risque de plaire ou de déplaire. A l'évidence, "Death Stranding" est singulier et doté d'une réalisation faisant honneur à la PS4. Si nous avons été séduits par le concept du jeu, focalisé sur l'émotion et l'entraide entre les joueurs, nous reconnaissons qu'il faut adhérer à son univers bien particulier et composer avec le sentiment de solitude qui s'en dégage. Un jeu vidéo parfaitement maîtrisé qui fera date. Notez que la version PC sortira en 2020.